Comme de nombreux Berlinois, Guido est venu observer les ruines d’un pont symbole du délabrement des infrastructures de l’Allemagne. Avec une pointe d’espoir: que les milliards d’investissement prévus par le nouveau gouvernement permettent d’accélérer la reconstruction.
Derrière un grillage, une pelleteuse déblaie les derniers restes de cet ouvrage qui a dû être détruit en urgence, courant mars, face à l’élargissement d’une fissure identifiée il y a dix ans.
Le retraité de 65 ans, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, est moins impressionné par l’ampleur des travaux que par leur délai.
« Pour une fois, ça a été très rapide, environ un mois. On est habitué à ce que nos chantiers ne se déroulent pas comme prévu », sourit-il.
Des milliers de Berlinois ont suivi la démolition du pont, retransmise en direct sur internet, partagés entre sarcasme et colère face au chaos de circulation dans l’ouest de la capitale autour d’une des autoroutes les plus fréquentées du pays.
Tous espèrent que le « bazooka » d’investissements annoncés par le chancelier conservateur Friedrich Merz, au pouvoir depuis début mai, permette de moderniser les infrastructures vétustes, une situation indigne de la troisième économie mondiale qui handicape également sa croissance.
Berlin paye le prix de décennies de strictes règles d’endettement qui ont retardé ou empêché les travaux de rénovation.
– « L’argent seul ne résout rien » –
En septembre dernier, un pont long de 400 mètres s’est effondré à Dresde (est) dans le fleuve Elbe, un choc dans l’un des pays les plus riches d’Europe.
Rien que pour les ponts, le besoin total d’investissement s’élève à 100 milliards d’euros, selon un rapport récent de la fédération européenne d’ONG T&E (Transport & Environnement).
Le nouveau gouvernement a débloqué une enveloppe géante de 500 milliards d’euros sur 12 ans pour l’ensemble des infrastructures du pays – ouvrages routiers et bâtiments.
Sur les autoroutes et les routes fédérales, un pont sur trois doit être réparé voire entièrement reconstruit, selon l’étude.
La commune de Brandebourg-sur-la-Havel, à une heure de Berlin, espère grappiller 90 millions d’euros du fonds d’infrastructure mais « l’argent seul ne résout rien », dit à l’AFP le maire Steffen Scheller.
« Nous avons une pénurie de personnel qualifié dans la maîtrise d’ouvrage et l’ingénierie », explique l’élu conservateur, qui déplore également la lourdeur de la bureaucratie, de l’appel d’offre aux dossiers de subvention.
Exemple flagrant à l’extérieur de la ville: fin 2023, un pont a été construit au-dessus d’un passage à niveau très embouteillé.
Mais les automobilistes ne peuvent toujours pas l’emprunter, faute d’autorisation de construction de rampes de sécurité, repoussée à 2026.
« Je n’ai plus aucun espoir qu’on puisse un jour utiliser ce pont », peste une automobiliste, Fransiska, parmi une cinquantaine de voitures à l’arrêt. Cette employée hospitalière de 38 ans assure perdre jusqu’à une heure par jour à cet endroit.
La plupart des 70 ponts de Brandebourg-sur-la-Havel, cité fluviale de l’ex-RDA, ont été construits sous l’ère communiste avec de l’acier défectueux.
Plusieurs d’entre eux sont aujourd’hui fermés aux poids lourds, une situation que connaissent toutes les régions allemandes.
Le retard dans la reconstruction d’un pont du centre-ville, attendu depuis 2022, agace particulièrement les résidents de la ville de 70.000 habitants.
Cette situation cause « de gros problèmes d’accessibilité à nos entreprises locales » et une augmentation de la pollution, confie le maire de Brandebourg.
– « Erreurs politiques » –
Benedikt Heyl, auteur du rapport de T&E, dénonce les « erreurs politiques » des gouvernements précédents, qui ont priorisé l’expansion des infrastructures plutôt que leur entretien.
Selon lui, le gouvernement Merz fait toutefois preuve d' »ambition », porté par « le nouvel élan » du fonds d’infrastructures.
Il espère que le nouveau ministère des Transports rehaussera son objectif, « trop étroit », de rénover 4.000 ponts d’ici 2030.
D’autant que l’Etat « embellit » ses progrès en la matière, assure la Cour des comptes allemande dans un récent rapport. En 2024, seuls 40% des modernisations prévues ont été réalisées.
Benedikt Heyl préconise aussi à la première économie européenne de mettre sur pause « les projets fantaisistes » de méga-autoroutes et de garantir des contrats publics de long-terme à l’industrie.
Pour éviter les catastrophes, il conseille de s’inspirer de la France, qui possède des « données complètes » sur l’état de chacun de ses ponts.
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